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Primum non nocere

La télémédecine est une discipline récente qui s’installe progressivement dans le paysage sanitaire français. Si les médecins appréhendent l’organisation liée à la prise en charge d’un patient, quelques précisions méritent d’être apportées dans le domaine technique et juridique. L’exercice médical à distance requiert en effet des praticiens une attention d’autant plus grande que le patient est éloigné.

Un acte médical induisant une obligation de moyens

La télémédecine est définie comme l’exercice à distance de la médecine au moyen d’un dispositif utilisant les technologies de l’information et de la communication. Cela reste donc avant tout un acte médical comme le précise l’article L. 6316-1 du CSP et le décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010.

A ce titre, elle induit une obligation de moyens envers les patients : « Le médecin doit disposer, au lieu de son exercice professionnel, d’une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel et de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature des actes qu’il pratique ou de la population qu’il prend en charge…  Il  ne  doit  pas  exercer  sa  profession  dans  des  conditions  qui  puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées. Il doit veiller à la compétence des personnes qui lui apportent leur concours. » (article R4127-71 du CSP).

La singularité de l’exercice à distance introduit des notions jusque là étrangères aux médecins, puisque la prise en charge nécessite :

  • Des solutions techniques, logicielles et réseaux télécoms,
  • Une  organisation   pour   coordonner   les   interventions   des   différents   acteurs :   radiologues, manipulateurs, téléradiologues, secrétaires médicales, médecins demandeurs, urgentistes…)

Organiser la prise en charge des patients

Définir un projet médical précis

Les premières questions à se poser sont donc celles de la place de la téléradiologie dans le quotidien du service d’imagerie médical: à quel (s) niveau (x) la radiologie à distance peut-elle améliorer la prise en charge des patients ?

Assurer l’interprétation systématique de tous les actes de radiographies (radiographies des urgences) ; soulager le(s) médecin(s) présent(s) pour qu’il(s) se   consacrent aux actes à plus forte valeur ajoutée médicale ; développer l’activité en (ré)ouvrant des plages horaires aux patients externes ; développer la pratique de l’astreinte à domicile ; mutualiser les ressources notamment en organisant des gardes mutualisées entre plusieurs établissements ; s’appuyer sur des médecins partenaires externes du même territoire de Santé, quand cela est possible, pour participer à la permanence des soins ; etc.

Apphender son impact

La mise en œuvre d’une organisation de téléradiologie dans un service d’imagerie, entraîne une modification des habitudes de travail des médecins et des personnels soignants et non soignants.  Tous les intervenants  – radiologue local, téléradiologue, manipulateurs, secrétaires du service d’imagerie et des services demandeurs, médecins demandeurs de l’établissement (mais aussi extérieurs),   directions (affaires médicales, affaires financières, des services informatiques –doivent être impliqués et adhérer à cette nouvelle organisation des soins.

Compte-tenu de la multiplicité des acteurs, une coordination forte est nécessaire pour assurer la cohérence du tout : le succès d’une organisation de télémédecine repose avant tout sur la capacité à gagner et conserver leur confiance à chaque étape du projet (accompagnement initial, animation dans le temps, évaluation médico- économique de la prise en charge délivrée).

 Encadrer juridiquement les pratiques

Enfin, les relations entre les différents acteurs de la filière doivent être clairement établies ainsi que leurs responsabilités. Les conventions d’exercice doivent être soigneusement rédigées à l’aide de conseils, dans le respect des recommandations du G4, puis validées par les ARS.

Se donner les moyens d’une pratique professionnelle 

Tout radiologue souhaitant mettre en œuvre ou participer à une organisation de téléradiologie à l’obligation de respecter – ou faire respecter par son partenaire technologique – ce cadre juridique.

Ce qu’impose  le  Code de la Santé Publique

Lorsqu’une organisation héberge des données de santé de patients dont elle n’assure pas la prise en charge médicale, elle est considérée comme hébergeur et doit obtenir un agrément. Dans une organisation de téléradiologie, c’est le cas du tiers technologique, qui assure le volet technique et organisationnel de l’activité de téléradiologie (article L.1111-8 du CSP et loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des patients).

L’usage de la carte de professionnel de  santé (CPS) est imposé pour l’accès, l’échange et le partage des données de santé à caractère personnel. Plus généralement, le dispositif mis en œuvre doit nécessiter l’identification forte des professionnels comme des patients, et garantir la traçabilité et l’imputabilité de l’ensemble des accès et actions réalisés sur la plateforme par les utilisateurs (articles L1110-4 et L1111-8 alinéa 4 du CSP).

 Les préconisations professionnelles

Les moyens matériels et logiciels utilisés pour la réalisation du diagnostic doivent disposer d’un marquage CE de Classe IIa requis pour les dispositifs « diagnostic » (directive européenne 93/42/CEE et version 9 du guide d’application en date de juin 2010 – MEDDEV 2.4/9 REV 9).

Les communications doivent être synchrones et fondées sur les normes en vigueur, aucun échange de type asynchrone (type mail ou fax) ne peut être mis en œuvre car il ne permettrait pas de traçabilité. Indépendamment des profils XDS / XDSI la conformité minimale IHE concerne les profils ARI, SWF. Conformité au standard DICOM 3.0 pour les services et classes suivants : DICOM Store et Query/Retrieve.

Les compressions propriétaires visant à accélérer les transmissions de données mais ne présentant pas les garanties de qualité et de sécurité nécessaires sont proscrites.

Les retours de compte-rendu doivent se faire suivant les normes en vigueur telles que Hprim ou HL7.

Le gestionnaire d’identités doit être conforme aux recommandations de l’ASIP Santé et doit implémenter les profils IHE, PIX et PDQ. Il doit être interopérable avec tout système d’information implémentant ce standard (SIH ou service d’identité des plateformes régionales lorsqu’ils existent).

1- Seule exception, les opérateurs de réseaux télécom sans composante logicielle pour lesquels la durée du stockage des informations est limitée à la traversée des équipements actifs des réseaux sans mise en œuvre de traitement de niveau applicatif.
2- Entres autres sans que cette liste soit exhaustive : Rapport LASBORDES sur la télésanté / Recommandations du CNOM et du Conseil Professionnel de la Radiologie / Cadre d’interopérabilité de l’ASIP / Livre blanc du LESSIS-GIXEL .
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