Article initialement publié dans le magazine DSIH en janvier 2011 et rédigé par par Dr Yann Hetmaniak (président CGTR) et Thomas Abrahamian, (ancien directeur des projets CGTR)
Ces dernières années ont vu les projets de «téléradiologie» se multiplier, autant de manifestations d’une réelle problématique de pénurie médicale, mais également d’une dérive perceptible quant au fonctionnement et à l’organisation des plateaux techniques d’imagerie.
S’il semble maintenant communément admis, législation aidant, que la télémédecine est la déclinaison à distance d’un acte médical, les projets opérationnels sont encore trop souvent des cahiers des charges technico‐techniques.
DICOM, transmission des informations, SDSL, VPN, adresse IP, capacités d’affichage, bases de données, sécurité, fiabilité, redondance, prennent le pas sur l’organisation, l’accompagnement avec la coordination juridique, l’accueil du patient, le recueil de son consentement, la gestion des risques, le dialogue médical, la protocolisation des échanges, la prise en compte de la dimension territoriale, l’harmonisation des pratiques sur la base de référentiels (Haute Autorité de Santé), tout ce que l’on pourrait résumer sous la notion de «gouvernance clinique».
Oui, le volet technique est une composante importante pour la pratique de la téléradiologie, car il va permettre un exercice performant, fiable et sécurisé. Le LESISS (Les Entreprises des Systèmes d’Information Sanitaires et Sociaux) et le GIXEL (Groupement Industriel de l’interconneXion et des systèmes Électroniques) ont à ce titre publié en avril 2009 un Livre blanc de la Téléradiologie dans lequel ces organisations professionnelles dressent un état de lieux de la situation, analysent le contexte déontologique, éthique et réglementaire, puis proposent des critères industriels de mise en oeuvre des solutions technologiques qui permettront à cette pratique de se développer dans les meilleures conditions. Ce type de document doit servir de base pour la rédaction de cahiers des charges sur les organisations de télémédecine.
Mais cela ne doit être qu’un moyen au service de la seule finalité probante: un véritable projet médical apportant de la valeur dans la prise en charge d’un patient, aboutissant à un diagnostic médical qui engage la responsabilité du médecin. La téléradiologie c’est de la radiologie à distance. La radiologie c’est une discipline médicale complexe, transversale et décisive dans le parcours de soins du patient. Un projet de téléradiologie est donc avant tout un projet médical d’organisation des soins au service des patients et dans le respect des professionnels de santé.
Les premières questions à se poser sont donc celles de la place de la téléradiologie dans le quotidien du service d’imagerie médical: à quel(s) niveau(x) la radiologie à distance peut‐elle améliorer la prise en charge des patients ? Assurer l’interprétation systématique de tous les actes de radiographies (radiographies des urgences); soulager le(s) médecin(s) pré- sent(s) pour qu’il(s) se consacrent aux actes à plus forte valeur ajoutée médicale; développer l’activité en (ré)ouvrant des plages horaires aux patients externes; développer la pratique de l’astreinte à domicile; mutualiser les ressources notamment en organisant des gardes mutualisées entre plusieurs établissements; s’appuyer sur des médecins partenaires externes du même territoire de Santé, quand cela est possible, pour participer à la permanence des soins; etc. L’objectif médical ne peut émerger que d’une analyse fine de la situation, et il doit s’inscrire dans une stratégie claire pour le service d’imagerie.
Cela étant établi, le volet médical doit être traduit au niveau organisationnel afin de donner véritablement corps au projet. En effet, la télé- médecine induit une nécessaire adaptation des procédures: médecins et personnels des services demandeurs d’imagerie, secrétaires médicales, manipulateurs en électro‐radiologie, autant de professionnels dont la pratique et/ou le métier doivent évoluer.
Mais tout n’est pas réalisable en téléradiologie : l’échographie et la mammographie, techniques opérateur‐dépendantes nécessitent la présence sur place du radiologue. Lequel a également un rôle capital dans l’encadrement des manipulateurs. Il apparaît donc comme une évidence qu’un projet de téléradiologie ne doit en aucun cas être conçu sans radiologue sur place. Ce qui présuppose soit la présence d’au moins un praticien au sein de l’établissement, soit la mise en oeuvre d’un partenariat local. Et c’est là que la «téléradiologie à la française» se différencie du modèle anglosaxon: une téléradiologie de proximité avec un appui radio- logique territorial pour piloter le bon déroulement de l’activité en cohérence avec l’organisation régionale des soins.
Ces conditions, toutes indispensables, étant réunies, le projet doit faire l’objet d’un conventionne- ment explicite qui en définira clairement les objectifs poursuivis, les moyens mis en oeuvre, les acteurs mobilisés, leurs responsabilités et leurs devoirs, et les indicateurs de suivi du projet pour évaluer sa justesse. Cette évaluation doit porter sur les aspects techniques bien entendu (taux de disponibilité du service, temps de transfert des examens, etc.), mais aussi et surtout sur les aspects organisationnels tels que la satisfaction des utilisateurs, le nombre de médecins utilisateurs, le nombre de patients pris en charge, etc.
Le cas échéant, les relations avec des médecins partenaires du territoire de Santé de l’établissement sont à encadrer dans des conventions d’exercice rédigées en conséquence et sou- mises à la validation des Conseils professionnels ordinaux et savants. Les conventions concernant l’organisation même de cette activité de télémédecine devront être soumises à l’ap- probation des Agences Régionales de Santé et des G4 régionaux. Ces efforts sont le prix à payer pour garantir à la population française une télémédecine de qualité et participer ainsi à ré- tablir plus d’équité dans l’accès aux soins.
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